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Gratte-ciel

Les arnaques fondées sur l’intelligence artificielle aux Émirats arabes unis : entre illusions technologiques et encadrement juridique


L’intelligence artificielle (IA) fascine autant qu’elle inquiète. Depuis plusieurs années, sa médiatisation croissante et ses applications réelles dans les domaines médicaux, juridiques ou commerciaux ont ouvert la voie à une instrumentalisation massive par des opérateurs peu scrupuleux. Aux Émirats arabes unis, réputés pour leur ambition technologique et leur positionnement favorable aux innovations numériques, de nombreux acteurs peu régulés proposent désormais des services d’investissement prétendument fondés sur des “algorithmes prédictifs” ou des “robots autonomes” permettant de générer des revenus passifs, parfois garantis.


L’environnement favorable à l’innovation a parfois été perçu comme une opportunité par certains promoteurs de montages opaques, échappant à toute régulation locale. Dans ce contexte, des investisseurs, souvent expatriés ou touristes, se laissent séduire par des promesses de rendement rapide basées sur l’IA, sans encadrement juridique clair ni preuve tangible des performances alléguées. Cette situation a conduit les autorités émiriennes à renforcer leur arsenal législatif, notamment à travers la loi n°34 de 2021 sur la cybercriminalité, les régulations de la Securities and Commodities Authority (SCA), et l’entrée en vigueur d’un cadre juridique propre aux actifs numériques sous la supervision de la VARA à Dubaï.


I. Les mécanismes frauduleux fondés sur l’IA : promesses illusoires et technologies manipulées



A. L’exploitation abusive du label “intelligence artificielle” dans des offres sans substance



Un nombre croissant de sociétés ou plateformes en ligne, souvent enregistrées dans des juridictions offshores sans supervision financière, prétendent utiliser l’IA pour gérer des portefeuilles d’investissement, prédire les marchés boursiers ou anticiper les fluctuations des cryptomonnaies. L’argument technique est mis en avant comme un gage de fiabilité scientifique, avec des taux de réussite annoncés dépassant parfois 90 %, sans vérification indépendante ni historique de performance certifié.


Aux Émirats arabes unis, la SCA impose à tout opérateur proposant un produit financier au public une autorisation préalable et la publication d’un prospectus validé. L’article 3(2) du Règlement sur la promotion des produits financiersexige que toute affirmation relative au rendement soit justifiée, vérifiable et documentée. L’absence de ces éléments est un indice sérieux d’opération illégale.


La loi n°4 de 2000 sur la Securities and Commodities Authority, complétée par la résolution du Conseil des ministres n°13 de 2021, permet aux autorités de poursuivre les opérateurs frauduleux, notamment lorsqu’ils ciblent le public sans agrément. Les plaintes déposées auprès de la SCA ou de la VARA peuvent entraîner des sanctions administratives, des suspensions d’activité ou des signalements au ministère de l’Intérieur.

Ces mesures montrent que le simple recours à des termes techniques ou à une IA soi-disant autonome ne suffit pas à justifier la validité d’un produit d’investissement. Elles traduisent la volonté des autorités de renforcer leur action préventive contre les pratiques trompeuses déguisées sous des formes technologiques.



B. Les faux smart contracts et la déformation de la technologie blockchain



Certains montages prétendent reposer sur des “smart contracts” pour donner une illusion de transparence et d’irréversibilité des transactions. En réalité, ces contrats sont souvent de simples scripts hébergés hors blockchain, sans réelle valeur d’exécution autonome. Le terme est utilisé abusivement pour rassurer l’investisseur et créer une apparence d’automatisation.


Le droit émirien ne reconnaît pas encore expressément les smart contracts comme instruments exécutoires à part entière, mais la Digital Transactions Law (Federal Law n°46 de 2021) prévoit que tout contrat numérique ayant reçu le consentement des parties peut produire des effets juridiques. Toutefois, cette reconnaissance suppose que l’auteur soit identifié, que le contrat soit accessible, et qu’il ne comporte pas de clause abusive.


En cas de tromperie, la loi n°34 de 2021 sur la cybercriminalité sanctionne l’usage de systèmes électroniques pour induire en erreur ou obtenir un bien par des moyens frauduleux. L’article 11 prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende d’un million d’AED en cas de fraude utilisant un système automatisé pour tromper des tiers. Ce fondement juridique renforce l’idée que les technologies nouvelles ne peuvent pas constituer une couverture juridique lorsqu’elles sont détournées à des fins délictueuses.


II. Encadrement juridique, prévention et recours pour les victimes de fraudes technologiques

A. L’identification des offres suspectes et l’importance du cadre contractuel


Plusieurs signaux doivent alerter l’investisseur : une société domiciliée dans un pays tiers sans adresse aux Émirats, un site internet sans mentions légales, l’absence de registre commercial dans les bases officielles (ex. : DED, DIFC, ADGM), ou encore l’incapacité à fournir une licence VARA ou SCA.


Les offres impliquant des transferts de fonds en cryptomonnaie contre promesse de rendement fixe doivent être analysées comme des produits d’investissement. Si ces opérations sont effectuées sans agrément, elles tombent sous le coup de l’article 4 de la loi sur la régulation des services financiers, et sont susceptibles d’être qualifiées de fraude financière, voire de commercialisation illégale de produits à haut risque.


Tout investisseur doit exiger :

  • Une copie du contrat avec identification claire du prestataire

  • Le lieu de juridiction applicable (idéalement aux Émirats ou dans un État de droit)

  • Un historique des performances vérifié par un auditeur agréé

En l’absence de ces éléments, une mise en demeure (legal notice) peut être envoyée, suivie d’une plainte pénale auprès de la police économique, compétente dans chaque émirat, notamment à travers le service “eCrime” à Dubaï. Ces mesures visent à accélérer l’action de la justice et à limiter les pertes financières, particulièrement importantes pour les victimes bloquées sur place ou privées de recours à l’étranger.



B. Le rôle de Nextcap dans la prévention, le conseil et la procédure judiciaire



La première ligne de défense demeure l’assistance d’un avocat local spécialisé, capable de :

  • Vérifier la régulation effective de la société concernée

  • Traduire et analyser le smart contract s’il existe sur une blockchain publique

  • Accompagner l’investisseur dans la rédaction d’une plainte pénale

  • Initier une procédure civile devant les juridictions locales pour obtenir réparation


Dans certains cas, il est également possible de saisir les tribunaux DIFC (Dubai International Financial Centre) ou ADGM (Abu Dhabi Global Market) si les parties y ont consenti contractuellement. Ces juridictions offrent un cadre de common law adapté aux litiges transfrontaliers, avec des procédures accélérées en cas de fraude manifeste.

L’intervention d’un cabinet juridique dès les premiers signaux d’alerte constitue ainsi une mesure préventive essentielle. Elle permet de sécuriser les investissements, d’identifier la nature exacte des instruments technologiques mobilisés, et d’encadrer les relations contractuelles dans une perspective de conformité et de protection des capitaux.


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Akram Cheik, Lawyer

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