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L’échange crypto–cash aux Émirats : pratiques tolérées mais non institutionnalisées

Alors que les Émirats arabes unis se positionnent comme l’un des pôles majeurs de la finance numérique et de l’innovation blockchain, une contradiction persistante subsiste dans la pratique : les banques locales refusent toujours de recevoir ou de transférer des fonds issus directement de cryptomonnaies, même lorsque ceux-ci proviennent de stablecoins réputés stables comme l’USDT. Ce paradoxe soulève une question centrale : comment les détenteurs d’actifs numériques parviennent-ils malgré tout à échanger leurs cryptos contre des espèces aux Émirats, dans un contexte réglementaire à la fois strict et permissif selon les autorités compétentes ?


De nombreux investisseurs ou entrepreneurs choisissent aujourd’hui Dubaï pour effectuer des conversions de cryptomonnaies en dirhams ou en dollars via des circuits de gré à gré (OTC), dans un climat de tolérance encadrée. Ces opérations, bien que fréquentes, se déroulent souvent en dehors du système bancaire, dans une zone grise juridique dont les contours doivent être précisément définis.


Dès lors, il importe d’analyser le cadre réglementaire applicable à ces échanges, les risques pratiques encourus, et les conditions de légalité pour ne pas s’exposer à des poursuites ou à des blocages administratifs. Ce constat justifie une double lecture de la pratique actuelle, qui articule :


I. L’échange crypto–cash aux Émirats : pratiques tolérées mais non institutionnalisées

II. Cadre juridique et implications pratiques pour les détenteurs de cryptomonnaies


A. Une absence d’accès bancaire direct malgré une régulation croissante


Bien que les Émirats aient adopté un cadre réglementaire favorable aux actifs numériques — notamment à travers la VARA à Dubaï et la SCA au niveau fédéral — les banques locales demeurent extrêmement prudentes. À ce jour, aucune banque commerciale n’autorise officiellement le dépôt de fonds issus d’une conversion de cryptomonnaies, y compris les stablecoins comme l’USDT ou l’USDC.


Cette frilosité s’explique par la complexité des obligations de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) imposées par la Federal Decree-Law No. 20 of 2018 et par la crainte de sanctions en cas de défaut de traçabilité. En pratique, tout virement en provenance d’une plateforme crypto étrangère (Binance, OKX, Bybit, etc.) peut être bloqué, voire faire l’objet d’une enquête bancaire.

Ainsi, bien que les licences VARA permettent aux sociétés dûment enregistrées à Dubaï d’opérer des échanges crypto–fiat, ces opérations sont majoritairement réalisées hors circuit bancaire, dans un cadre qualifié de “toléré” mais non officiellement reconnu par les banques traditionnelles.


B. L’essor des plateformes de gré à gré (OTC) et les taux pratiqués


Face à ce vide bancaire, un réseau parallèle de plateformes OTC (over-the-counter) s’est développé, notamment à Dubaï et Abu Dhabi. Ces acteurs proposent l’échange d’USDT, de BTC ou d’ETH contre des dirhams ou des dollars, en liquide, moyennant une commission variable de 1,5 % à 5 %, selon le montant échangé et le degré de vérification effectué.


La majorité de ces opérateurs dispose d’une entité enregistrée à la DED (Department of Economic Development), parfois sous un intitulé générique tel que “consulting” ou “IT services”, mais seule une minorité possède une licence VARA effective, leur permettant de traiter légalement des actifs numériques.


En cas d’échange important (au-delà de 50 000 AED), il est fréquent que l’opérateur exige une preuve d’origine des fonds, notamment une capture de wallet ou un relevé Binance. Cette exigence découle directement des normes imposées par la Cabinet Resolution No. 10 of 2019 sur la lutte contre le financement du terrorisme, laquelle impose aux sociétés de signaler tout transfert suspect.


II. Cadre juridique et implications pratiques pour les détenteurs de cryptomonnaies


A. Une tolérance légale encadrée : absence d’interdiction mais vigilance renforcée


À ce jour, aucune loi fédérale ou locale n’interdit explicitement de convertir de la cryptomonnaie en espèces, pour autant que l’origine des fonds soit licite et démontrable. Les échanges entre particuliers, les transactions OTC, ou encore les achats directs en crypto ne sont donc ni prohibés ni officiellement régulés, ce qui constitue une zone grise en matière de droit financier.


Cependant, la VARA Rulebook (Dubaï) impose aux entités enregistrées la tenue d’un registre des transactions, la mise en place de procédures KYC, et le respect des normes FATF. Ainsi, un particulier procédant à des échanges réguliers sans enregistrement ni déclaration peut être qualifié de “Virtual Asset Service Provider” opérant sans licence, avec des risques pénaux à la clé.


De même, le Federal Tax Authority (FTA) n’a pas encore émis de doctrine fiscale claire sur les plus-values en crypto. Toutefois, en l’absence de TVA sur les devises et les valeurs mobilières, certains juristes considèrent que les gains réalisés sur des stablecoins comme l’USDT pourraient, pour l’instant, ne pas être imposables, en l’absence de conversion en dirhams par voie bancaire.


B. Risques pratiques et sécurisation juridique : pourquoi se faire accompagner


En outre, le caractère anonyme des wallets, la volatilité des cours et l’absence de juridiction claire en cas de litige font de ces opérations un terrain propice aux escroqueries. Des cas de faux courtiers, de retraits annulés ou d’échanges avec des billets falsifiés ont été rapportés.


Dès lors, il est essentiel de :

  • Vérifier l’enregistrement commercial de l’opérateur (DED ou DIFC)

  • Préférer les bureaux disposant d’une licence VARA

  • Exiger un contrat ou une preuve de transaction (receipt, wallet hash)

  • Éviter tout échange en lieu public sans vérification préalable.


Enfin, se faire accompagner par un avocat local ou un cabinet spécialisé tel que Nextcap, permet de sécuriser juridiquement la transaction, d’identifier les responsabilités en cas de litige, et de constituer un dossier solide en cas de procédure judiciaire ou de contrôle administratif.



Akram Cheik, Lawyer
Akram Cheik, Lawyer

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