Travel Ban à Dubaï : Causes, Conséquences et Comment l’Enlever
- Akram Cheik - Lawyer
- 21 juin
- 8 min de lecture
Aux Émirats arabes unis, l’interdiction de quitter le territoire, communément appelée travel ban, constitue une mesure administrative ou judiciaire fréquemment appliquée à l’encontre des personnes faisant l’objet d’un contentieux en cours, qu’il soit de nature civile, pénale ou financière. Ce mécanisme peut viser tant les résidents que les non-résidents, y compris les touristes de passage. L’une de ses particularités majeures réside dans l’absence d’obligation légale de notification préalable.
En pratique, la personne concernée découvre la mesure à l’aéroport, au moment du contrôle d’enregistrement ou d’embarquement. Cette situation entraîne des conséquences immédiates, telles que la perte du billet, l’extraction des bagages de l’appareil et, dans certains cas, l’interdiction d’obtenir certains documents administratifs pendant toute la durée de l’interdiction.
En droit émirien, le travel ban peut résulter de différents fondements juridiques. Lorsqu’il s’agit d’un litige pénal, le ban découle d’une instruction ou d’un jugement rendu en application du Code pénal fédéral ou de ses textes d’application. S’agissant des litiges civils ou commerciaux, l’interdiction peut être ordonnée à titre conservatoire par le tribunal saisi, notamment pour garantir l’exécution d’une créance ou prévenir le risque de fuite du défendeur. Par ailleurs, des bans peuvent également être émis de manière administrative, à l’initiative du Ministère de l’Intérieur ou des services de sécurité, dans le cadre de mesures de précaution ou d’enquêtes en cours.
Il n’est pas rare que des personnes soient soumises à une interdiction de sortie pour des motifs mineurs au regard du droit comparé. À titre d’illustration, un simple chèque sans provision, un litige avec un ancien employeur, une plainte pour atteinte à la réputation via les réseaux sociaux, ou encore le non-paiement d’une amende de stationnement peuvent constituer des motifs suffisants pour justifier l’émission d’un travel ban. En parallèle, d’autres cas relèvent d’infractions plus graves, telles que des accusations de fraude, des délits financiers ou des affaires pénales ouvertes, sans que la personne soit encore condamnée.
Dès lors, il convient d’apporter un éclairage rigoureux sur le régime juridique applicable aux travel bans dans l’ordre juridique émirien. Le présent article a pour objet, d’une part, d’en exposer la définition et les fondements légaux, d’autre part, d’en analyser les effets pratiques pour la personne visée, avant de détailler les voies légales permettant d’en obtenir la levée. Enfin, une dernière partie sera consacrée à la présentation de l’assistance proposée par notre cabinet dans ce type de procédure.
I. Définition juridique et fondements du travel ban
A. Notion juridique de l’interdiction de sortie
L’interdiction de sortie du territoire des Émirats arabes unis, communément désignée sous le terme de travel ban, constitue une mesure de restriction de mouvement imposée à une personne physique, nationale ou étrangère, dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou policière. Cette mesure peut concerner les majeurs comme les mineurs, dès lors qu’un lien peut être établi entre la personne visée et une situation contentieuse en cours. À ce titre, il n’est pas rare que des enfants soient inclus dans le périmètre du travel ban en raison d’un litige familial, notamment en matière de garde d’enfants, d’enlèvement parental ou de divorce contentieux.
Les types de contentieux pouvant entraîner une interdiction de sortie sont variés.
En matière civile, un litige contractuel ou locatif peut donner lieu à la demande d’une telle mesure, par exemple lorsqu’un créancier redoute que le débiteur n’organise son insolvabilité depuis l’étranger. En matière commerciale, une action en paiement ou une contestation relative à des obligations d’affaires peut justifier la saisie du tribunal à titre conservatoire. Sur le plan pénal, toute procédure initiée à la suite d’un dépôt de plainte ou d’une infraction présumée peut conduire à l’interdiction de quitter le pays, y compris dans le cadre d’une instruction préliminaire. En droit du travail, des cas d’absconding, c’est-à-dire de départ non autorisé de l’employeur par le salarié, peuvent également faire l’objet d’un travel ban prononcé par le ministère compétent, en lien avec les services de l’immigration.
En parallèle, la mesure peut aussi être émise à l’initiative de la police locale ou de l’autorité administrative pour des motifs liés à la sécurité intérieure ou à l’ordre public, indépendamment de toute procédure judiciaire en cours. Ces bans administratifs, bien que plus rares, sont parfois appliqués de manière discrétionnaire.
B. Cadres légaux et interdictions d’entrée
Les bases légales du travel ban se trouvent essentiellement dans le Code de procédure pénale fédéral et dans divers textes relatifs aux mesures conservatoires et au contrôle des frontières. En outre, les décisions des procureurs de la République, les ordonnances civiles, les mesures administratives du Ministère de l’Intérieur ainsi que les instructions internes de la police judiciaire ou de l’immigration peuvent également produire des effets équivalents.
En sus de l’interdiction de sortie, certaines personnes peuvent se voir notifier une interdiction d’entrée sur le territoire émirien, temporaire ou à durée indéterminée. Ce type de mesure concerne généralement les individus expulsés pour des infractions pénales, des résidents dont les permis ont été révoqués, ou encore des étrangers ayant fait l’objet d’un dossier de sécurité nationale. Une telle interdiction peut être décidée sans condamnation, par simple mesure de précaution fondée sur des critères d’évaluation confidentiels.
Elle peut aussi être la conséquence automatique d’un abandon de poste déclaré comme absconding, ce qui génère une interdiction de retour pouvant durer jusqu’à un an voire, dans certains cas, à vie.
II. Conséquences concrètes de l’interdiction de sortie
A. Conséquences juridiques et administratives immédiates
La mise en œuvre d’un travel ban entraîne, en premier lieu, l’inscription de la personne concernée dans la base de données nationale des personnes interdites de quitter le territoire, laquelle est reliée aux systèmes de contrôle automatisés aux frontières. Ainsi, au moment de l’enregistrement ou de l’embarquement, un signalement empêche toute tentative de sortie, quelle que soit la voie empruntée. Ce blocage est immédiat et irrévocable tant que la mesure n’a pas été formellement levée par l’autorité émettrice.
En outre, la personne peut être contrainte de remettre son passeport aux autorités locales, notamment dans le cadre d’un litige civil ou pénal. Certaines administrations, telles que l’Immigration ou les forces de police, peuvent également imposer des restrictions complémentaires, incluant l’annulation des visas en cours, le gel de la demande de résidence ou le rejet des renouvellements de titres de séjour. En matière contractuelle, un travel ban empêche également toute tentative de transfert de résidence vers un autre employeur, en particulier lorsqu’une plainte en absconding est en cours d’instruction.
Lorsqu’il s’agit d’un contentieux de faible intensité, tel qu’une facture impayée, la levée de l’interdiction peut, dans certains cas, être obtenue en moins de quarante-huit heures, dès lors que le règlement amiable du litige est prouvé et que les documents justificatifs sont déposés sans délai. Toutefois, l’absence de procédure simplifiée pour les cas mineurs implique une gestion active et structurée du dossier par un professionnel local.
B. Conséquences financières et personnelles
Le maintien d’un travel ban peut entraîner des répercussions économiques majeures pour la personne concernée, en particulier lorsqu’il s’agit d’un touriste ou d’un résident temporaire. En effet, la coût de la vie à Dubaï est notoirement élevé. Une personne bloquée de manière imprévue doit supporter des frais supplémentaires de logement, de transport, de nourriture et éventuellement de pénalités contractuelles si elle ne peut honorer des engagements à l’étranger. Pour un voyageur en vacances, cela peut représenter une dépense de plusieurs milliers d’euros non budgétée, en l’absence de recours immédiat.
Par ailleurs, le maintien sur place empêche la gestion normale des affaires à l’étranger. Un professionnel bloqué à Dubaï peut se voir dans l’incapacité d’assister à une audience, de signer un contrat, ou même de poursuivre ses activités commerciales. Ces effets indirects génèrent des pertes financières supplémentaires, notamment en termes de crédibilité, de réputation ou de délai dans l’exécution d’obligations professionnelles.
Enfin, la dimension psychologique n’est pas négligeable. L’impossibilité de quitter le pays, conjuguée à l’incertitude quant à la durée de la mesure, provoque un sentiment d’isolement, d’impuissance et, dans certains cas, de détresse, en particulier lorsqu’aucune information claire ne peut être obtenue des autorités compétentes.
III. Procédure de levée de l’interdiction de sortie
A. Identification préalable du fondement et de l’autorité émettrice
Avant d’envisager toute action en levée, il est indispensable de déterminer l’origine exacte de la mesure. En pratique, cela implique de vérifier si l’interdiction a été émise par une juridiction pénale, civile ou par une autorité administrative. Cette étape est cruciale dans la mesure où la procédure à engager, les délais applicables et les conditions de recevabilité varient significativement selon le type de travel ban.
Seuls les avocats accrédités auprès des tribunaux émiratis ou habilités à consulter les systèmes internes du Ministère de la Justice et de l’Intérieur peuvent accéder à ces bases de données. Ils sont en mesure d’identifier :
le numéro de dossier,
la juridiction compétente,
la partie demanderesse,
et, le cas échéant, les sommes réclamées ou les chefs d’inculpation.
Lorsque la mesure est fondée sur une décision de police, elle peut relever d’une simple plainte ou d’une alerte administrative, notamment dans le cas des plaintes pour absconding. Ce terme désigne le départ non autorisé d’un salarié vis-à-vis de son employeur, sans résiliation préalable du contrat de travail ni remise des documents requis. En pareille hypothèse, la plainte entraîne l’ouverture d’un dossier auprès du Ministère du Travail ou du General Directorate of Residency and Foreigners Affairs, susceptible de générer un travel ban automatique, suivi d’une interdiction de retour de six mois à un an.
Dans le cadre d’un litige civil ou commercial, l’identification rapide du fondement permet d’envisager une solution amiable, voire transactionnelle, avec la partie adverse.
B. Voies légales de mainlevée selon le type de travel ban
1. Litiges civils et commerciaux
Lorsque l’interdiction résulte d’un litige civil, tel qu’un impayé de loyer, une dette contractuelle ou une réclamation en responsabilité, il est possible d’obtenir la levée par voie d’accord amiable ou par paiement de la somme réclamée. Une fois le litige éteint, une requête peut être adressée au juge de la juridiction ayant ordonné la mesure, sollicitant l’émission d’une ordonnance de mainlevée. Cette requête, accompagnée des justificatifs (reçus, accords signés, attestations de retrait de plainte), est généralement traitée sous cinq à quinze jours, selon la complexité du dossier.
2. Procédures pénales
En matière pénale, la levée peut être sollicitée soit auprès du procureur en charge de l’affaire, soit directement auprès du juge d’instruction, selon l’état d’avancement du dossier. Lorsque la plainte est retirée, ou que le préjudice a été indemnisé, le procureur peut émettre un ordre de radiation de l’interdiction. En revanche, en présence d’une condamnation ferme ou d’une mesure de sûreté en cours, la levée est soumise à des conditions strictes, parfois incompatibles avec un départ anticipé du territoire.
3. Plainte pour absconding et contentieux du travail
En droit du travail, la plainte pour absconding constitue une cause fréquente de travel ban, en particulier dans les secteurs où la résiliation de contrat n’a pas été formalisée. L’employeur peut signaler l’absence injustifiée d’un travailleur, ce qui déclenche l’ouverture d’un dossier auprès du Ministry of Human Resources and Emiratisation. Pour obtenir la levée, il est nécessaire d’annuler la plainte via un accord avec l’employeur ou de démontrer, preuves à l’appui, que le départ était légitime ou dû à une faute de l’employeur (non-paiement du salaire, harcèlement, etc). Une fois la plainte annulée, la procédure de levée du travel ban suit un circuit accéléré auprès des services de l’immigration.
4. Cas d’interdictions administratives
Les bans administratifs relèvent d’une procédure plus opaque. Ils peuvent être levés par une requête adressée à l’autorité émettrice, telle que le General Directorate of Criminal Investigation ou le Federal Authority for Identity and Citizenship. Ces démarches exigent un exposé clair des circonstances, la présentation de garanties et, souvent, une lettre d’engagement ou une attestation de résidence. L’intervention d’un avocat local demeure ici essentielle, tant pour accéder aux services compétents que pour présenter un dossier complet.
IV. Accompagnement juridique par le cabinet Nextcap
Face à la complexité des procédures, à l’exigence de réactivité et à la nécessité de représentation locale, le cabinet Nextcap propose un service d’assistance juridique global, adapté aux différentes situations de travel ban. En partenariat avec des avocats accrédités aux Émirats arabes unis, notre cabinet assure une intervention complète, incluant la vérification initiale de l’interdiction, la stratégie de régularisation et la représentation jusqu’à la levée effective de la mesure.
Le service comprend notamment :
l’accès sécurisé aux registres judiciaires, administratifs et policiers,
la traduction certifiée des documents justificatifs,
la rédaction des requêtes dans les formes exigées,
la présentation du dossier devant les juridictions compétentes ou les autorités administratives concernées,
le suivi en temps réel jusqu’à la confirmation de la mainlevée.
Notre cabinet traite régulièrement des dossiers impliquant des touristes, des travailleurs expatriés, des entrepreneurs ou des familles en situation de contentieux personnel ou patrimonial.
En outre, notre intervention permet de réduire sensiblement les délais et d’éviter que la personne concernée ne soit contrainte de rester aux Émirats dans des conditions coûteuses ou instables.

Commentaires