Contrats de réservation off-plan à Dubaï : obligations du promoteur, comptes séquestres et droit de rétractation
- Akram Cheik - Lawyer

- 11 juil.
- 5 min de lecture
L’immobilier off-plan à Dubaï séduit un nombre croissant d’acheteurs internationaux attirés par des prix compétitifs, des échéanciers de paiement flexibles et la perspective d’une valorisation rapide. Cependant, derrière les brochures séduisantes et les discours commerciaux très rodés, les pratiques contractuelles soulèvent de nombreuses interrogations juridiques. Il n’est pas rare que les promoteurs ou agents immobiliers proposent des « réservations » qui ne sont en réalité que des expressions d’intérêt accompagnées d’un dépôt, souvent entre 5 % et 10 % du prix du bien. Ces fonds sont versés sur des comptes ordinaires et non sur le compte séquestre obligatoire, ce qui prive l’acheteur de toute garantie en cas de litige.
En outre, même après signature d’un véritable contrat de réservation, de nombreux acheteurs découvrent les limites de leur protection : absence de clause de remboursement claire, retard de livraison, modification du projet sans leur accord, ou encore refus de restituer les montants avancés lorsque le projet prend du retard ou que l’acheteur souhaite se rétracter. Ces situations sont d’autant plus fréquentes dans un contexte où la régulation, bien qu’existante, est parfois contournée par des acteurs peu scrupuleux.
Dès lors, il est indispensable de comprendre le cadre juridique mis en place par la Real Estate Regulatory Agency (RERA) et le Dubai Land Department (DLD), d’identifier les obligations des promoteurs, et d’analyser les recours dont disposent les acheteurs dans les situations litigieuses.
Ce contexte impose une double lecture rigoureuse :
I. Les obligations légales des promoteurs et les mécanismes de sécurisation des fonds
II. Les droits de rétractation et les voies de recours en cas de litige ou de non-conformité
I. Les obligations légales des promoteurs et les mécanismes de sécurisation des fonds
A. Le contrat de réservation et les limites juridiques des "expressions d’intérêt"
En théorie, tout contrat de réservation relatif à un bien immobilier en vente sur plan doit être encadré par la Loi n°13 de 2008 sur la régulation des projets immobiliers à Dubaï. Cette loi impose au promoteur d’avoir enregistré le projet auprès de la RERA, d’avoir un permis valide, et d’avoir ouvert un compte séquestre dédié pour recueillir les fonds des acheteurs.
Or, en pratique, de nombreux promoteurs invitent les acheteurs à signer une "expression of interest", document ambigu présenté comme un pré-contrat ou une réservation légère. Le versement associé, souvent qualifié de "holding deposit", est encaissé directement par le promoteur ou par un agent sur un compte classique, non lié au projet enregistré.
Ce type de pratique, bien que courant, expose l’acheteur à un risque majeur de non-remboursement. En effet, ce versement n’est pas couvert par les garanties du DLD, ni soumis aux règles du compte séquestre prévues par la Loi n°8 de 2007 sur les escrow accounts.
Une fois le véritable contrat de réservation signé, le promoteur doit fournir :
Le numéro de projet RERA
Le numéro du compte séquestre (escrow)
Le plan de paiement détaillé lié à l’avancement du projet
La date prévisionnelle de livraison
Les modalités de résolution en cas de différend
Le non-respect de ces obligations constitue un manquement légal et peut entraîner la nullité du contrat ou des sanctions administratives, encore faut-il que l’acheteur puisse les démontrer.
B. Le compte séquestre et son fonctionnement pratique : garantie ou illusion ?
Le compte séquestre constitue l’élément central de la sécurité juridique du projet. En vertu de la réglementation, tout paiement effectué pour un bien off-plan doit obligatoirement être versé sur un escrow account enregistré auprès du DLD et supervisé par une banque accréditée. Ces comptes permettent de s'assurer que les fonds ne seront utilisés que pour la construction du projet correspondant et non pour financer d'autres opérations du promoteur.
En théorie, les fonds sont débloqués au fur et à mesure de l'avancement des travaux, sur validation d’un ingénieur indépendant accrédité par la RERA. Toutefois, il existe des écarts notables dans l’application de ce mécanisme :
Des promoteurs retardent volontairement l’enregistrement du projet pour encaisser des dépôts sur des comptes privés
Certains agents détournent la réglementation en collectant des dépôts “non contractuels”
L’absence de transparence sur l’état du compte séquestre empêche l’acheteur de vérifier la réalité de l’affectation de ses paiements.
Dans ces conditions, l’acheteur doit exiger un reçu officiel émis via le système Mollak (plateforme de contrôle des paiements off-plan), vérifier le numéro du compte séquestre, et n’effectuer aucun paiement hors procédure. À défaut, il s’expose à une perte totale du montant versé.
II. Les droits de rétractation et les voies de recours en cas de litige ou de non-conformité
A. Rétractation, annulation et remboursement : entre réalité contractuelle et limites pratiques
Le droit émirien ne reconnaît pas un droit de rétractation général après la signature du contrat de réservation, sauf clause expresse. En revanche, plusieurs situations permettent à l’acheteur d’exiger un remboursement intégral ou partiel :
Si le promoteur n’a pas commencé les travaux dans un délai de 12 mois
Si le projet est suspendu ou annulé par le DLD
Si le compte séquestre n’a pas été ouvert
Si les délais contractuels sont dépassés sans justification
Dans ces cas, l’acheteur peut adresser une mise en demeure légale (legal notice) au promoteur, et déposer une plainte auprès de la Legal Affairs Section du Dubai Land Department. L’expérience montre que, même lorsque les conditions sont réunies, les délais de remboursement peuvent être longs, surtout si le montant a été encaissé en dehors d’un cadre réglementaire.
En outre, lorsqu’il s’agit simplement d’une expression d’intérêt, l’acheteur n’a souvent aucune base légale pour récupérer son dépôt, à moins de démontrer une tromperie manifeste ou un dol contractuel, ce qui nécessite des preuves solides et une action judiciaire.
B. Litiges et recours : les étapes à suivre pour faire valoir ses droits
Lorsque le projet prend du retard, que la livraison est compromise ou que l’acheteur souhaite annuler son engagement, plusieurs recours sont possibles :
Lettre de mise en demeure formelle émise par un avocat local
Plainte écrite auprès du RERA ou du DLD, assortie des preuves de paiement
Saisine du tribunal civil de Dubaï pour exiger l’annulation du contrat, le remboursement ou la compensation.
Les tribunaux locaux reconnaissent généralement le caractère abusif de certains contrats et sanctionnent les manquements aux obligations légales. Toutefois, l’issue dépendra de la nature du paiement initial (sur compte séquestre ou non), de l’existence d’un véritable contrat, et de la capacité de l’acheteur à documenter sa demande.
Il est fortement conseillé de se faire assister par un cabinet d’avocats connaissant la pratique locale, notamment pour éviter les clauses abusives et organiser la collecte de preuves dès les premières difficultés. Le cabinet Nextcap, avec ses avocats partenaires agréés aux Émirats, accompagne les investisseurs dans toutes les phases de gestion d’un contrat off-plan, de la vérification des documents jusqu’au contentieux éventuel.






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